Et si on s’attaquait aujourd’hui à l’un des paradigmes historiques de la Qualité ou plus exactement de la norme ISO 9001 … L’efficacité des actions. En abordant ce sujet, je sais que je risque de provoquer un véritable électrochoc culturel. Et pourtant, il devient urgent d’agir pour éviter une rupture de plus en plus forte entre le monde de la Qualité et la « vraie vie des organisations ». Cela fait tant d’années que l’on tourne en boucle autour de ce sujet avec des auditeurs qui en ont fait, bien souvent, une marotte et des opérationnels qui n’adhèrent pas à ce double « check » qui consiste à vérifier la réalisation d’une action et son efficacité.
Que de débats et de discussions lors des audits de certification autour de ce thème : L’efficacité des actions « C’est très bien ce plan d’actions, mais comment pouvez-vous me prouver que les actions clôturées sont efficaces ? » La question est intellectuellement intéressante et déstabilise dans de nombreux cas les audités. Elle a fait l’objet de tant d’écarts lors des audits de certification que personnellement j’avoue une certaine lassitude en la matière. La conséquence de cette marotte obsessionnelle est la génération dans les organisations de plans d’actions qui se caractérisent par une lourdeur déconcertante. Il n’est pas rare de trouver des outils (fichiers excel) pour gérer les plans d’actions avec une dizaine de colonnes à remplir pour chaque action. C’est effrayant.
Au moment où toutes les organisations prônent l’agilité pour survivre, la Qualité impose un dispositif pour générer l’amélioration continue qui peut s’avérer plus lourd en terme d’enregistrement que l’action à faire. Mettez-vous à la place d’un opérationnel qui vient de clôturer son action et qui doit remplir maintenant les colonne suivantes : « date prévisionnelle de la vérification de l’efficacité » « critères de vérification de l’efficacité » « date de vérification réelle de l’efficacité » « preuves de l’efficacité ». Un dispositif qui enchante les auditeurs externes et qui incite à prendre des voies parallèles pour les opérationnels. Personnellement je comprends et je défends leur réaction. A leur place j’aurais la même attitude …
Alors, pour palier à ce déficit d’enregistrement, le Responsable Qualité pratique bien souvent la revue de paquetage juste avant l’audit de certification qui fonctionne de la façon suivante « Alors tu as fait quoi cette année comme actions que l’on pourrait mettre dans ton tableau ». Et l’on vient enregistrer de manière rétroactive les actions mises en œuvre après une petite sélection. Comme si la rétroactivité avait un quelconque intérêt dans la gestion d’un plan d’actions. C’est une démarche sans aucune valeur ajoutée qui vise uniquement la satisfaction des auditeurs externes et qui dessert l’image de la Qualité dans les organisations.
Ces contraintes imposées par la Qualité créent un véritable décalage dans les organisations. Aujourd’hui, on n’a plus le temps du « double check » et de la traçabilité associée. D’ailleurs en poussant notre réflexion, on peut même s’apercevoir que les outils informatiques universels pour gérer les plans d’actions dans les organisations ne peuvent pas s’utiliser dans le domaine de la Qualité. C’est incroyable, on est obligé d’utiliser des outils développés avec des éditeurs de type QSE pour répondre aux exigences spécifiques de la Qualité.
Il est grand temps que le microcosme Qualité s’adapte aux réalités des organisations en s’intéressant aussi (et surtout) à la teneur des actions plutôt qu’aux enregistrements et à la traçabilité. Le paradoxe est déconcertant. Un audité pourra avoir les félicitations d’un auditeur externe à partir du moment où il aura bien complété le fameux tableau des actions (celui à 10 colonnes cité précédemment) et ceci quelle que soit la pertinence des actions. Alors qu’un autre audité aura certainement les plus grandes difficultés avec un auditeur externe si son plan d’actions a été piloté de façon visuelle (avec des post it par exemple) en utilisant des méthodes de type Lean Management même si les actions portées ont été à forte valeur ajoutée.
La question maintenant est de savoir si cette situation est réellement imputable à la norme ISO 9001 ?
Effectivement, la norme exige d’examiner l’efficacité des actions correctives et de conserver des informations documentées comme preuves de résultats de toute action corrective. Cependant, la norme ISO 9001 n’a jamais exigée que la vérification de l’efficacité soit différée de la vérification de la mise en œuvre. Rien n’interdit, au sens de l’ISO 9001 d’effectuer en même temps cette vérification lorsque cela est possible : « On devait faire telle chose, cela a été fait et c’est efficace. Sujet bouclé ».
Les « théoriciens » pourront toujours avoir un savant discours sur le fait que l’efficacité des actions ne peut pas être démontrée au moment de la clôture d’une action. J’invite tous ces « sachants » à retourner sur le terrain, à piloter des activités opérationnelles, à revenir dans la vraie vie des organisations … pour se rendre compte de la réalité. Clôturer une action en s’assurant en même temps de son efficacité et un « check » souvent suffisant qui ne nécessite pas en permanence de revenir sur le sujet une seconde fois.
Alors, bien entendu, nous pouvons débattre des heures sur ce sujet et je pense que l’on n’arrivera jamais à un consensus. Mais à quoi bon ce débat d’expert ce qui est le plus important est la capacité d’une organisation a générer de l’amélioration et à éliminer les causes de dysfonctionnement ….
En pensant trop au texte on en oublie la finalité et c’est dommage …. et dommageable pour l’image de la Qualité dans les organisations. Avec un tel comportement on développe la « Qualitocratie » et ce n’est vraiment pas aujourd’hui une demande des Patrons ….